LA GREVE DES BATTU : LE LIVRE CULTE D’AMINATA SOW FALL

  • Par Akina De Kouassi
  • 12 Mai 2021
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Œuvre négro africaine, post coloniale, « La grève des battu » de l’écrivaine sénégalaise, Aminata Sow Fall, est un véritable régal littéraire qui restitue la place d’interdépendance de chaque être dans la société.


Editée en 1979, « La grève des battu » est une fiction littéraire dont les actions se passent au cœur d’une ville qui pourrait être Dakar ou n’importe quelle autre agglomération de l’Afrique noire.

Dans cette ville, les hommes au pouvoir considèrent les mendiants comme des déchets humains qui défigurent la ville et qui entravent le développement du tourisme. Ainsi, Mour N’diaye, un haut bureaucrate plein d’ambitions décide donc de se débarrasser une bonne fois pour toute de ces indésirables.

Plus exactement il en chargera son adjoint zélé, Keba Dabo pour accomplir cette mission. En clair, Mour N’Diaye ne veut plus entendre parler de mendiants dans sa ville.

Inévitablement, il y a donc deux camps qui s’affrontent : celui des puissants contre les faibles. Les puissants ne lésinent pas sur la violence et expédient les mendiants (les faibles) à deux cents kilomètres de la ville, non sans employer la méthode la plus barbare.

Toutefois, les mendiants restent solidaires entre eux. Ils refusent d’être frappés et humiliés, surtout qu’ils sont conscients de la place qu’ils occupent dans la société. Leur grève a des conséquences déroutantes pour les puissants. Très rapidement, Mour lui-même eut besoin d’eux pour la réalisation d’un sacrifice qui allait lui attribuer le poste de vice-président, mais ces derniers lui refusèrent leur aide. Mour voit alors son rêve s’écrouler avec la nomination du ministre de l’intérieur TOUMANE TOURE au poste de vice-président.

Du point de vue de la thématique, on retient qu’elle tourne essentiellement de la mendicité, mais également de la marginalisation des mendiants, la coutume dont l’une des valeurs est de faire des offrandes aux démunies en vue d’avoir grâce auprès des mânes, et surtout de la notion de la solidarité dont les mendiants ont fait montre.

Ce récit nous amène par conséquent à tirer la leçon suivante : même étant une personne socialement haut placée, nous ne devons pas oublier que nous sommes en quelque sorte dépendant des pauvres car quelquefois nous avons besoin des gens moins nantis que nous pour réaliser certains de nos projets ou caprices.

D’autre part, l’on comprend que l’usage de la manière forte n’est pas un moyen qui résout totalement les problèmes. A preuve, le personnage principal certes est parvenu à débarrasser la ville des mendiants mais il eut plus tard besoin d’eux ; et ces derniers lui refusèrent de lui accorder leur aide.

« La grève des battu » d’Aminata Sow Fall  est donc une grève imaginaire de mendiants qui met en lumière l’importance de ceux qu’on appelle « parasites » dans la société. Une grève imaginaire qui se manifeste par un refus de mendier, de tendre les calebasses.

Biographie de l’auteur

Aminata Sow Fall est née en 1941 dans le nord du Sénégal, précisément à Saint Louis. Après quelques années passées au Lycée Faidherbe, elle finit le cycle secondaire au Lycée Van Vo de Dakar. Elle se rend ensuite en France ou elle prépare une licence de lettres modernes puis elle se marie en 1963. Auteur d’œuvres importantes, cette grande dame des lettres africaines s’est également engagée dans la modernisation culturelle de son pays, le Sénégal.

Directrice du centre africain d’animation et d’échange culturelle de Dakar depuis 1987, elle est aussi à la tête des éditions Khoudia. Elle est docteur honoris causa du Mount Holyode, Collège South Hadley, Massachusetts ainsi que d’autres établissements universitaires.

Son livre « La grève des battu ou les déchets humains », lui a valu le Grand prix littéraire d'Afrique noire en 1980.

Bibliographie de l’auteur

Le Revenant, roman, 19769

La Grève des battu, 1979 : présélectionné par le jury du prix Goncourt en 1979 ; Grand prix littéraire d'Afrique noire en 1980 ; porté à l’écran par Cheick Oumar Sissoko en 2000.

L’Appel des arènes, roman, 1997: présélectionné par le jury du prix Goncourt en 1982 ; Prix international pour les lettres africaines ; porté à l’écran par Cheikh N'Diaye en 2006

Ex-Père de la Nation, roman, 198712

Le Jujubier du patriarche, roman, 199313

Douceurs du bercail, roman, 199814

Un grain de vie et d’espérance, réflexion sur l'art de manger et la nourriture au Sénégal suivie de recettes proposées par Margo Harley, 2002

Sur le flanc gauche du Belem, in L'Odyssée atlantique (collectif), nouvelle, 2002

Festins de la détresse, roman, L'Or des fous, éditeur avec l'Alliance des éditeurs indépendants 2005

L'Empire du mensonge, roman, 20175

Aminata Sow Fall est également l'auteur de pièces de théâtre et de poèmes, encore inédits.

Distinctions

Lauréate du Grand prix littéraire d'Afrique noire pour La Grève des battu (1980).

Prix international pour les lettres africaines pour L'Appel des arènes (1982).

Nommée docteur honoris causa de Mount Holyoke College, Massachusetts (25 mai 1997).

Chevalier de l'ordre national du Mérite

Chevalier des Palmes académiques

Chevalier de l'ordre de la Pléiade

Chevalier de l'ordre national du Lion du Sénégal

Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres (2012)

Grand prix de la Francophonie de l’Académie française (2015)

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