Terroir : Les Bamiléké, un peuple hautement spirituel

  • Par Akina De Kouassi
  • 26 Sept. 2020
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Les Bamiléké constituent la plus grande communauté ethnique dans les régions de l’ouest et du nord du Cameroun. Fortement ancrés dans la tradition ancestrale, les Bamiléké ont la renommée d’une forte dimension spirituelle africaine.


Au Cameroun, le peuple Bamiléké influence la vie économique et sociale en raison de leur importance significative au niveau démographique et économique. En effet, les ressortissants de cette communauté que l’on qualifie de « Japonais d’Afrique » occupent le devant de la scène dans tous les secteurs stratégiques économiques du pays.

Comment comprendre ce dynamisme

Les raisons de cette croissance et aisance économique du peuple Bamiléké ont fait l’objet de plusieurs critiques, dont les plus soutenues évoquent le volet mystique, tandis que d’autres parlent du dynamisme culturel de ce peuple.

Ainsi, dans une étude publiée sur le site contrepoints.org, Sali Bouba Oumarou déclarait en substance que « Les raisons de la réussite économique du « Bamiléké » peuvent être expliquées à travers la reconnaissance de l’individu comme facteur intangible de création de richesse, et l’échange de propriété comme seul moyen légal et légitime pour s’enrichir. En effet, la société Bamiléké est fondée sur l’idée de la promotion individuelle. Celle-ci suppose que chaque individu, dans le but de s’assurer une continuité, doit progresser par ses propres efforts. Car chez les Bamilékés, en plus du fait que « la famille Bamiléké éclate à chaque génération pour donner naissance à de nouvelles familles », l’accession à certaines strates de la structure sociale, nécessite une certaine aisance financière. »

 

Organisation sociale Bamiléké

Il faut par conséquent comprendre que la société Bamiléké est composée d’associations et de confréries structurées avec, à la clé, une sorte de tontine destinée à l’entraide des uns envers les autres. C’est dire que la solidarité est une vertu fortement partagée dans la société Bamiléké.

De même, l’organisation politique qui confère un pouvoir absolu à la chefferie dont la mise en œuvre requiert l’accord du « Conseil des Neuf » ou du « Conseil des Sept », ne dénie pas le droit de propriété des terres aux familles à qui elles ont été offertes. Car ici, dans la société Bamiléké, le chef est reconnu comme le détenteur des terres. Par contre, les familles à qui on attribue ces terres en bénéficient des revenus, dans le respect des us et coutumes qui régissent la communauté. Ce qui favorise une autonomie financière des familles.

Bamiléké et spiritualité

En pays Bamiléké, la spiritualité est un principe vital et l’être humain occupe une place prépondérante. Dans la spiritualité Bamiléké, l’homme est constitué d’une double matière : d’un côté, il est physique, visible et de l’autre, c’est une âme spirituelle et invisible. A la mort, l’âme du défunt se sépare du corps et s’en va rejoindre ceux des ancêtres qui l’ont précédé dans l’autre monde spirituel invisible.

Dans cette croyance religieuse Bamiléké, il existe un monde des dieux et chaque individu de cette société est connecté aux dieux à travers ses ancêtres. D’autre part, la religion Bamiléké est bipolaire ? De fait, on y pratique deux cultes : le culte des ancêtres (culte des crânes) et le culte des divinités (sanctuaire sacré ou bois sacré). Ces cultes sont pratiqués dans des lieux sacrés choisis par des Nkam-si (prêtres) ou des Mani-si (prêtresses).

La structure religieuse traditionnelle des Bamiléké

 La structure religieuse traditionnelle des Bamiléké est centrée sur la vénération des reliques des ancêtres. Pour être « ancestralisé » – c’est-à-dire vénéré comme ancêtre- il faut remplir un certain nombre de conditions : être mort de bonne mort (les morts par noyade, suicide, etc. sont exclus) ; être marié et avoir laissé une progéniture ; avoir fait montre d’une grande intégrité morale de son vivant ; avoir fait l’objet des cérémonies festives d’« ancestralisation », etc.

Après l’enterrement et le deuil, on attend quelques années avant d’organiser une cérémonie pour exhumer le crâne et le ramener dans le sanctuaire familial où on peut trouver les crânes des autres ancêtres qui ont précédé le défunt. C’est ce lieu de crâne qui est le site des sacrifices et des actes de vénération.

C’est le lieu sacré par excellence de la concession familiale où les descendants des défunts ancestralisés viennent faire des offrandes.

Toutefois, il faut indiquer que les ancêtres ne sont pas des divinités ; ils sont des intermédiaires entre Dieu et les hommes. Car en pays Bamiléké, on ne s’adresse pas directement à Dieu, mais aux ancêtres. C’est tout dire leur grande importance.

La vénération des ancêtres

Il s’agit, pour le descendant du défunt « ancestralisé » d’offrir des sacrifices sur le lieu sacré où le crâne exhumé est entreposé. Les motifs sont divers : soit pour demander une faveur (protection, santé, travail, réussite, etc.) pour soi ou pour un membre de sa famille ; soit pour les remercier en raison d’une faveur obtenue. C’est souvent le successeur du défunt ancestralisé qui conduit le sacrifice. Celui-ci consiste à asperger le lieu d’huile de palme, de sel, ou de sang d’animaux (poule, chèvre, etc.).

En général, on y a recours quand on a le sentiment qu’on court un danger ou que rien ne marche pour soi et les siens. La terre du lieu où est entreposé le crâne de l’ancêtre est aussi sacrée et on peut en emporter pour en frotter ou marquer le front de ses enfants tout en formulant des bénédictions.

 

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