SCANDALE A ZIGUINCHOR : LA MAISON FAMILIALE DE SEMBENE DEVENUE UN DEPOTOIR D'ORDURES. 2ème Partie et Fin
- Par La rédaction
- 20 Août 2021
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Si feu Ousmane Sembène, l’écrivain et cinéaste de renommée internationale disparu en 2007, était encore en vie, il aurait actuellement 100 ans. Hélas, ce monument de la culture est aujourd’hui en train d’être banalisé, voir oublié dans son pays
Une enfance vécue à Santhiaba
« Ousmane Sembène a passé son enfance ici à Santhiaba Ziguinchor. J’ai des sœurs de mon père dont l’aînée l’a bien approché, l’a bien connu. J’ai discuté avec elle, il y a à peine quatre ans, en lui demandant si elle connaissait Sembène Ousmane. Et tout de go, avec un geste véritablement affectif et radical, elle m’a avoué que ‘’mais oui, c’était un ami bien qu’il était un peu plus âgé que moi’’. Elle m’a avoué qu’elle a effectivement bien connu l’homme qui était, en son temps, un jeune turbulent. Et Sembène n’a cessé de dire effectivement ce trait de caractère de sa personne qu’on a pu lire, qu’on a pu voir étant même adulte, cet homme engagé, décidé à aller au bout de ce qu’il pense être véritablement salutaire pour l’Afrique. Vous voyez donc cet homme qui a produit, du point de vue de la littérature, beaucoup d’ouvrages dont « Le dernier de l’Empire » où il s’attaque véritablement au président Senghor comme personne. Il a produit ‘’les Bouts de bois de Dieu’’, ‘’0 Pays mon beau peuple ‘’où il fait son autobiographie. Il a produit dans sa filmographie ‘’Ceddo’’, ‘’Guelewar’’, ‘’Emitay’’, vous voyez, tous ces éléments à marquer... Il a collaboré avec d’autres cinéastes sur ce que l’Afrique avait de réel, de beau à conserver pour que nos élites dirigeantes puissent s’abreuver à cette source originelle et construire des États réellement viables et non ce que l’on voit aujourd’hui. Pour résumer, Sembène a été entier, il a été un critique littéraire, politique et social à tous points de vues, il a dérangé. Et notre État sénégalais, il l’a considéré comme néo-colonial. Il a critiqué nos us et coutumes qui ne seyaient pas avec l’évolution de nos États modernes. Voilà un peu ce qu’était cet homme, un autodidacte, quelqu’un qui s’est frayé un chemin à force de travail, d’acharnement et qui est aujourd’hui au ‘’Panthéon’’. Mais malheureusement, comme nous le disions, c’est une tragédie Sembène. C’est un monument qui s’est effondré, et qu’on a laissé s’effondrer en essayant quelque part de faire une censure par le silence en l’oubliant », tempête le professeur Fall.
Il se console en constatant que s’il est ignoré chez lui, Sembène est célébré à travers le monde entier. Dans cet oubli, M. Fall impute une part de responsabilité à nos collectivités locales.
La mairie de Ziguinchor pointée du doigt
Dans cette situation d’abandon de Sembène, la mairie de Ziguinchor est pointée du doigt. « Nous confions nos collectivités locales à des gens qui ne s’émeuvent pas devant la puissance de notre patrimoine matériel et immatériel. Alors, là est un des maux les plus denses, les plus tragiques de l’Afrique. Et nous pensons que des communes, des collectivités locales comme la nôtre et comme d’autres, elles doivent être confiées... ou en tout cas il doit y avoir des commissions chargées de répertorier l’ensemble du patrimoine matériel et immatériel pour pouvoir en faire quelque chose de consistant, de solide et qui puisse permettre de promouvoir ces localités. Malheureusement, vous voyez, qui d’entre ceux-là qui nous dirigent au niveau communal, au niveau de nos collectivités connaît réellement Sembène ? Ce n’est qu’à partir de nos expressions, nos productions qu’ils connaissent sa vie, comment il a été, qu’ils connaissent ses proches issus de l’enfance, ce qu’il a pu dire de son patrimoine de la Casamance ou autre qu’il a vécu intensément », s’emporte le professeur Amadou Fall.
De l’avis de ce professeur à l’Université de Ziguinchor, Sembène Ousmane s’est taillé une place de choix dans la littérature mondiale, à travers notamment son célèbre roman ‘’Les Bouts de bois de Dieu’’ qui demeure une référence dans le monde littéraire. Notre interlocuteur de souligner qu’il avait eu, en son temps, la présence d’esprit de prendre des photos de la maison du cinéaste quand elle était encore debout parce qu’aujourd’hui elle est un tas de ferrailles, un tas de boue où l’on dépose des immondices.
Il signale que lui et des amis s’efforcent aujourd’hui de réhabiliter l’homme de culture qu’est Sembène car l’oublier, c’est oublier la Casamance.
« Nous, avec d’autres, nous essayons encore de réhabiliter cet homme parce que c’est un patrimoine. Oublier Sembène, c’est oublier la Casamance, c’est cela aussi mon slogan. Parce que Sembène a symbolisé la Casamance, Sembène a matérialisé les us et coutumes, les valeurs traditionnelles qui ont fait l’homme casamançais, qui ont fait l’Africain dans son intégralité un homme de respect, un homme qui fait un serment et qui respecte justement la parole donnée. C’est cela Sembène et sous ce rapport, il dérange ».
Youssouf Conté, un voisin, estime que le spectacle qu’offre aujourd’hui le site qui abritait la maison familiale de Sembène est tout simplement écœurant. C’est à peine qu’il a pu sortir des mots de sa bouche, tellement sa gorge était serrée. « Au Burkina, il y a une statue qui représente Sembène Ousmane à Ouagadougou pour montrer son importance dans le cinéma africain. Ici à Ziguinchor aujourd’hui, quand on vient devant son ancien domicile qui est devenu un dépotoir comme on le voit là, c’est déprimant quoi ! Je ne comprends pas. Vraiment, moi, je crois que les autorités devraient se lever un peu et surtout le maire », souligne Youssouf Conté.
La mairie annonce une réhabilitation
Interpellé par nos soins, Taïbou Diédhiou, adjoint au maire de Ziguinchor chargé des affaires culturelles, assure que l’institution municipale envisage d’organiser un mémorial du grand cinéaste pour le réhabiliter car il est une très grande fierté pour Ziguinchor. Répondant à ceux qui accusent la mairie d’inaction face à l’effondrement de la maison de M. Sembène, il rétorque qu’il n’appartient pas à son institution de reconstruire une maison privée de quelqu’un, fut-il un grand artiste de la trempe de Sembène.
« Le maire Abdoulaye Baldé est en train de réfléchir pas pour reconstruire une maison de Ousmane Sembène mais quand même pour sa mémoire, voir comment on peut organiser un mémorial parce que la reconstruction d’une maison revient à son propriétaire. Donc, on est en train de travailler avec le maire pour voir comment organiser un mémorial dédié à Ousmane Sembène. Car il est quand même une fierté pour Ziguinchor, une fierté pour le Sénégal ».
Source : AYOBA FAYE, pour www.pressafrik.com