Musique : Bob Marley, 39 ans après. Et si on en parlait ?

  • Par Akina De Kouassi
  • 11 Mai 2020
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Aujourd’hui 11 mai 2020, le monde entier commémore le 39ème anniversaire de la mort du légendaire « Roi du reggae ». Qui était Bob Marley ? Qu’avait-il de si particulier au point d’être adulé près d’un demi-siècle après sa mort?


En temps ordinaire (n’eut été la pandémie à coronavirus qui a mis sous ses pieds toute activité commerciale et culturelle), les rues dans les quatre coins du monde seraient farcies aux couleurs éthiopiennes (Vert, Jaune et Rouge), associées à l’image de Bob Marley. Bonne affaire commerciale qui tombe ainsi à l’eau pour les commerçants.

En outre, ce sont les bars et autres restaurants qui seraient pris d’assaut pour la fiesta en soirée ; soit en couple, soit en famille ou entre amis, pour déguster cette musique populaire née vers la fin des années 1960, des entrailles des ghettos jamaïcains. Le principal artisan de cette musique, le reggae, n’est autre que Bob Marley.

Né en 1945 à Rhoden Hall, Saint Ann (Jamaïque), de père officier de l’armée anglaise stationnée en Jamaïque et d’une mère jamaïcaine, chanteuse de gospel, Robert Nesta Marley, alias Bob Marley était apprenti chaudronnier à Kingston lorsqu’il décide de s’initier à la guitare. Avec le guitariste Peter Tosh (de son vrai nom Winston Hubert McIntosh) et le chanteur Bunny Wailer (Neville O'Riley Livingstone), il forme son premier groupe, les Wailin’ Rudeboys, en 1961.

Influencé par des formations vocales comme les Drifters et les Impressions, le groupe, renommé les Wailers, enregistre, entre 1964 et 1966, une série de succès sous la houlette du producteur jamaïcain Coxsone Dodd : « I'm still Waiting », « Simmer Down », « Let Him Go (Rude Boy Get Gail) ».

En 1967, Bob Marley se convertit au rastafari. Un mouvement radical afrocentriste, qui considère l’empereur d’Éthiopie, Hailé Sélassié comme le descendant direct du roi Salomon, sorte de « Messie noir », et associe l’Occident à la Babylone biblique, marque profondément ses textes.

Bob Marley et la naissance du Reggae.

À la fin des années soixante, la collaboration des Wailers avec le producteur jamaïcain Lee « Scratch » Perry et son groupe The Upsetters, s’avère cruciale. S’affranchissant de la rigidité du ska, synthèse de boogie-woogie, d’improvisations jazz, de rythm and blues et de mélodies blues, le tout interprété sur un tempo rapide, et du rock steady, plus lent que le ska et privilégiant des parties vocales inspirées de la musique soul, Perry et les Wailers forgent le son caractéristique du reggae jamaïcain naissant, style musical hybride où se mêlent calypso, rock, soul américaine et musique folk locale.

Repérés en 1971 par le producteur anglais Chris Blackwell, les Wailers, rejoints par Aston « Family Man » Barrett (basse) et son frère Carlton « Carly » Barrett (batterie), tous deux transfuges des Upsetters, enregistrent une série d'albums pour le label Island qui les fait connaître en Europe : Catch A Fire (1972) et sa célèbre pochette en forme de briquet reçoivent un accueil enthousiaste, tandis que Burnin' (1973), notamment porté par les titres « Get up, Stand up » et « I Shot the Sheriff » reprise par Eric Clapton, la chanson se classe numéro un aux États-Unis, propulse le groupe sur le devant de la scène.

Bunny Wailer puis Peter Tosh décident toutefois de quitter les Wailers pour poursuivre des carrières solos. Il faut attendre les parutions successives de Natty Dread (1974), qui bénéficie de l’énorme succès du single « No Woman No Cry », et de Rastaman Vibration (1976) pour que le groupe acquière véritablement une réputation internationale.

Le terme « reggae » est utilisé pour la première fois dans les chansons « Do the reggae », écrite en 1968 par Toots, leader du groupe The Maytals, et « Regay » de Tommy McCook. Selon Toots, le terme viendrait de l’anglais regular people « gens du peuple » ou de raggedy « déguenillé ». Une autre étymologie fait dériver le mot de l’argot jamaïcain steggae « femme facile ».

Le reggae, une musique entre mysticisme et politique

Expression de la population noire de la Jamaïque et notamment celle des ghettos, le reggae est, dès ses origines, porteur d’un message politique et religieux, le rastafari. Fondé par un Jamaïcain, Marcus Garvey, ce courant mystique connaît son véritable essor aux États-Unis. Prêchant le retour en Afrique de tous les descendants d'esclaves disséminés sur le continent américain, et situant la terre promise des Noirs africains en Éthiopie, le mouvement mêle pensée biblique et panafricanisme, et se donne comme messie l'empereur d'Éthiopie Hailé Sélassié Ier, d'où le terme de rastafaris : ras tafari signifie « roi des rois » en amharique (langue officielle en Éthiopie). Surnommé Jah (pour Jehovah), le souverain est considéré comme le descendant direct de la lignée de Salomon et de la reine de Saba, et représente la branche noire des tribus d’Israël. L’oppression blanche est incarnée par Babylone la maléfique, et donne au reggae une dimension de rébellion qui entre en résonance avec les aspects subversifs inhérents au rock. Empreint de mysticisme, le reggae enflamme les bidonvilles de Trench Town et de Jones Town. Par la forme, il reprend souvent le dialogue entre le soliste et le chœur, en vigueur dans les sermons du rastafari. S’appuyant également sur l’ancienne tradition de plainte des esclaves, le reggae traduit le mécontentement populaire.

Le rôle déterminant de Bob Marley sur la scène politique jamaïcaine.

Jouissant d’une popularité exceptionnelle, Bob Marley s’impose bientôt comme le porte-parole charismatique des opprimés et des exilés. Dans une Jamaïque déchirée par de violents affrontements entre partisans du socialiste Michael Manley et de son adversaire Edward Seaga, le chanteur, qui revêt aux yeux de la population locale des allures de guide spirituel, soutient ainsi ouvertement le People’s National Party de Manley. Le 3 décembre 1976, à Kingston, il fait l’objet chez lui d’une tentative d’assassinat probablement commanditée par Seaga. Moins de deux ans plus tard, en avril 1978, au National Stadium de Kingston, Marley impose la trêve aux deux leaders rivaux Manley et Seaga.

Après Exodus (1977), Bob Marley s’attelle à une énorme tournée mondiale qui donne lieu à un album live, enregistré à Paris (Babylon By Bus, 1978). En juin 1980, il sort Uprising « Soulèvement », précédé du single « Could You Be Loved ? ». Au faîte de son succès, vénéré par des millions de fans, le chanteur meurt à Miami, officiellement des suites d'un cancer le 11 mai 1981. Les ventes massives des nombreux albums posthumes et autres compilations régulièrement soumis au public depuis la mort du chanteur jamaïcain attestent la pérennité d’un mythe sans précédent dans la musique populaire.

Source: Microsoft Encarta 

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