Léopold Sédar Senghor : l’ainé d’une élite intellectuelle et politique.

  • Par Akina De Kouassi
  • 15 Juin 2020
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Premier Africain agrégé de grammaire et père de l’indépendance du Sénégal, Léopold Sedar Senghor fut également le premier écrivain Africain élu à l’Académie française.


CONSCIENCE POÉTIQUE DE SON TEMPS

Né à Joal le 09 octobre 1906, Léopold Sédar Senghor était d’ethnie sérère, une minorité au Sénégal. Fils d’un père catholique, Léopold Sédar Senghor fit ses études à la mission catholique de Ngazobil, puis au lycée de Dakar.

En 1928, il part pour la France et entre en hypokhâgne puis en khâgne au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Là-bas, il fait la rencontre de Georges Pompidou, lui aussi inscrit au sein de ce lycée. En fréquentant les milieux noirs de la capitale parisienne, Senghor fonde en 1934, avec le Martiniquais Aimé Césaire et le Guyanais Léon-Gontran Damas, la revue l’Étudiant noir.

Homme de plume et d’encre, Senghor devient l’incontestable chantre de la Négritude de par son œuvre poétique : « CHANTS DOMBRE ». Toutefois, le poète ne manque pas d’affirmer que ce sont les Antillais, entre autres Aimé Césaire et Louis Achille, qui l’ont aidé à « retourner aux sources de la Négritude ».

En effet, la Négritude était à la fois un concept littéraire et artistique, mais aussi une arme politique à travers sa lutte contre le colonialisme et la dénonciation de l’humiliation subie par les pays d’Afrique noire, comme en témoigne son défi devenu célèbre : « Je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France ». Pour Senghor, « la négritude sera révolutionnaire ou ne sera pas ». Toutefois, son regard ironique sur le télescopage des cultures n’en fait pas moins un poète fier d’être issu d’un « métissage culturel » : « Nous sommes des métis culturels, parce que, si nous nous sentons nègres, nous nous exprimons en français ».

Premier Africain à obtenir l’agrégation de grammaire en 1935, Senghor a enseigné en France jusqu'à l'invasion allemande du pays en mai 1940. Servant sous l'uniforme français, il est emprisonné par les Allemands jusqu'en 1942. Libéré et réformé pour raison de santé, il reprend son activité d’enseignant tout en participant à la Résistance. Après la Libération, Senghor est nommé professeur à l'École nationale de la France d'outre-mer, poste qu'il occupera jusqu'en 1958.

 A LA RECHERCHE D’UNE TROISIÈME VOIE AFRICAINE

Senghor, qui a acquis la pleine citoyenneté française dès 1933, milite à la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) à partir de 1936. En 1945, de passage au Sénégal, il se laisse convaincre par Lamine Guèye, député du Sénégal au parlement français et fondateur de la première section SFIO au Sénégal, de s'engager dans la politique à ses côtés. Il devient député du Sénégal à l'Assemblée constituante puis à l'Assemblée nationale française. En 1948, il démissionne de la SFIO, à laquelle il reproche de ne pas se soucier véritablement des territoires africains, pour participer à la fondation du Bloc démocratique sénégalais (BDS). Celui-ci triomphe aux élections législatives de 1951 et la popularité de Senghor, qui a surtout mené sa campagne en brousse et s’est fait le relais du monde rural, l’impose comme partenaire incontournable de la métropole. Conseiller puis grand conseiller de l'AOF de 1947 à 1959, il est également secrétaire d'État à la présidence du Conseil (1955-1956) puis ministre-conseiller du gouvernement de la République française (1959).

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Partisan du maintien des liens entre le Sénégal et la France, il entre rapidement en conflit avec les nationalistes du Bloc et, en 1958, quitte ce parti pour créer, avec Mamadou Dia, l'Union progressiste sénégalaise (UPS). Sa politique consistera à rechercher une troisième voie (le socialisme africain) entre l’« individualisme démocratique » du capitalisme et le « grégarisme totalitaire » du communisme. Il faut, dit-il, « après Mao Zedong et Nehru, penser et agir par nous-mêmes et pour nous-mêmes, en Nègres […], accéder à la modernité sans piétiner notre authenticité ».

LE PERE DU SENEGAL INDEPENDANT

En 1956, alors que la loi-cadre Defferre restructure l’Afrique-Occidentale française (AOF) en huit États indépendants, Senghor parle de « balkanisation ». À l'indépendance du Sénégal, en 1959, il redoute l'éclatement de l'ancienne AOF en une multitude d'États faibles et rivaux et se fait le promoteur du fédéralisme entre les nouveaux États souverains, une sorte de « Commonwealth à la française ». Ayant échoué à les convaincre tous, il se résigne à former une fédération du Mali avec l'ancien Soudan français (l'actuel Mali). En août 1960, la Fédération éclate. Un mois plus tard, Senghor se fait élire président de la république du Sénégal par une Assemblée dans laquelle l'UPS détient la totalité des sièges.

En 1962, le président écarte définitivement Mamadou Dia, auteur d'une tentative de coup d'État. Consacrant son pouvoir personnel dans la Constitution de 1963, il instaure un régime présidentiel fort. La démocratisation du Sénégal se dessine à partir de 1974 ; le multipartisme est notamment introduit en 1976. Régulièrement réélu à la présidence de la république (1968, 1973 et 1978), Senghor est l'un des rares chefs d'État africains à quitter volontairement le pouvoir et à préparer sa succession. En 1981, comme il l'a annoncé, il se retire au profit de son dauphin, le Premier ministre Abdou Diouf. Il continue par la suite à œuvrer pour la création d'une Internationale socialiste africaine.

Le 02 juin 1983, Senghor est le premier écrivain noir à être élu à l’Académie française. A l’âge de 77 ans, Senghor accède ainsi à l’immortalité. C’est la consécration d’une vie intellectuelle riche à tout point de vue. Un prestige que ne partageaient pas cependant ses compatriotes sénégalais qui voyaient en lui un « Blanc peint en noir ».

A noter que c’est le 20 décembre 2001 que s’éteint Léopold Sedar Senghor, à l’âge de 95 ans.

Djasso!

Source :Microsoft Encarta.

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